La sagesse sur lièvre

 

Apprendre à son chien à respecter les lièvres tient souvent du casse-tête pour bon nombre de chasseurs. C’est pourtant une pratique qui est courante chez les amateurs de field-trial, qui sont obligés d’en passer par là.

En premier lieu, il convient de faire la différence entre ce que peut attendre un chasseur de son chien et ce que doit exiger un conducteur en field-trial de son futur trialer, face au gibier à poil et au lièvre en particulier.

Un chasseur “à la billebaude”* doit demander à son chien de lui indiquer et de lui arrêter tout gibier qu’il rencontre sur le territoire qu’il explore. Il en va des lièvres et des lapins, comme de tout gibier à plume. Les exigences du chasseur dans ce cas devront se limiter au seul respect du départ du lièvre ou du lapin. Il n’y a même aucune raison pour que le chien ne rapporte pas le gibier qu’il vient d’arrêter et de respecter. Ce respect s’obtient de la même façon que la sagesse sur le gibier à plume. Un chien, dont l’éducation a été excellente et le dressage correct, ne doit pas poser de problème particulier dans ce domaine. Les chiens ont souvent l’envie de poursuivre lapins ou lièvres qui déboulent devant eux, car ils ont le sentiment qu’ils peuvent les rattraper. Ne tentez pas la chance car, si votre chien parvenait un jour à réussir à coiffer un capucin, cela deviendrait un défaut incorrigible, qui empoisonnerait une grande partie de vos sorties de chasse, surtout en période de fermeture !

L’amateur de field, pour sa part, demandera à son chien de dédaigner totalement les lièvres. Celui-ci devra parcourir la plaine en quête de couple de perdrix et ne porter aucune attention aux lièvres qui souvent viendront à sa rencontre, la période du bouquinage correspondant exactement avec celle des fields de printemps. Certains chiens comprendront rapidement ce que l’on attend d’eux et délaisseront toute piste de lièvre, dès l’instant où ils verront que leur maître n’y porte aucune attention.

Il en ira différemment du chasseur qui veut encourager son chien à rechercher ce gibier et qui le complimentera donc après chaque action bien menée.

C’est cette différence de comportement de l’utilisateur, qui influera directement sur le comportement de son compagnon.

Il serait aussi inutile qu’un chien de field marque toutes les pistes de lièvre, délaissant ainsi les perdreaux qui sont le support essentiel des concours, que désagréable qu’un chien de chasse ignore les capucins et les laisse partir dans son dos.

 Les premiers respects de poil 

Plutôt que de traiter le problème directement sur le terrain face aux lièvres, ce qui risque d’être plus traumatisant, nous allons prendre cette éducation à la base, en amont de toute rencontre. C’est lors de votre prise en main, au sortir du dressage, lorsque votre chien commencera à vous obéir correctement, que vous devrez l’éduquer.

Dans ce paragraphe, nous allons appréhender les deux côtés de l’éducation, d’une part celle que le chasseur donnera s’il compte chasser les lièvres avec son chien, d’autre part celle de l’amateur de fields qui souhaitera que son compagnon se désintéresse totalement de ce gibier.

Beaucoup de chiens vivent en parfait entendement avec les chats. Il est même fréquent de voir certains chats couchés en rond entre les pattes du chien de la maison. Ce consensus s’établit du fait que les deux congénères sont immobiles. Si le chat se met à courir, il n’est pas rare que le chien, qui deux minutes avant l’avait entre les pattes, ne lui fasse un petit brin de poursuite.

C’est de cette situation qu’il vous faudra profiter au début de votre dressage sur le poil, quelquefois même en la provoquant. Il ne faudra pas en conséquence inciter votre chien à courir les chats, mais bien à les respecter. Dès que vous verrez votre compagnon entamer une course poursuite, vous le bloquerez d’un “Non” bien autoritaire. Une fois ce réflexe bien acquis, vous le verrez hésiter à partir et vous regarder d’un air soucieux. Il ne faudra pas le récompenser sur cette action, mais bien continuer à le bloquer, même s’il n’a pas bougé, pour bien manifester votre mécontentement. Une fois ce respect obtenu, vous aurez fait déjà la moitié du chemin.

Fort de cette éducation de base, vous pourrez commencer à mettre votre élève en présence de lapins, soit dans un parc à gibier avec de véritables garennes, ce qui est idéal, soit dans votre jardin avec un lapin domestique, que vous aurez un peu entravé.

Sur cette action, le chasseur aura la possibilité de faire arrêter son chien, puis de lui faire respecter le départ de l’animal. À l’inverse, l’amateur de fields, en faisant partir le lapin, devra faire en sorte que son chien l’ignore et ensuite le respecte.

En alternance avec la mise en présence de lapins, vous aurez la possibilité, suivant le principe déjà établi lors de la sagesse à l’envol, de travailler votre compagnon de façon artificielle. Pour ce faire, il faudra vous munir d’un lance-apportable, qui fonctionne avec des balles à blanc et d’un apportable rond comme une balle de dix centimètres de diamètre. Cet apportable sera revêtu préalablement d’une peau de lapin. Sans prévenir votre chien que vous laisserez quêter devant vous, vous tirerez d’abord dans sa direction, en prolongement de sa quête, afin que l’apportable le dépasse, en bondissant et en roulant à côté et devant lui. De cette façon, vous pourrez le bloquer à la vue de cette boule de poils. Cet exercice peut être profitable pour le chien de chasse comme pour le chien de field.

Pour le chien de field, cet apportable sera tiré au ras du sol dans toutes les directions. Vous obligerez le chien, qui, en entendant la détonation, se sera arrêté, à repartir en sens inverse de la direction de l’apportable. Cet automatisme, s’il est compris, pourra être d’un grand secours sur les lièvres, dont le chien ne poursuivra ni la piste ni la vue. Dans le cas de la mise au point du chien de chasse, on demandera à l’élève, au bruit de la détonation et à la vue de l’apportable, de respecter le départ et ensuite de rapporter l’apportable recouvert de poil. Cet exercice aboutira à terme au tir de deux ou trois lapins devant le chien, afin de parfaire sa mise au point et la finition de cet exercice.

 

La mise en présence de lièvres   


La minute de vérité aura lieu lorsque vous mettrez votre chien en présence de lièvres en plaine. Pour cela, il est préférable qu’il ne s’écarte pas trop de vous, afin que vous puissiez le bloquer parfaitement au départ du capucin. Plus la préparation à cette alternative sera longue et minutieuse, plus vos chances de réussite seront grandes. Dans le meilleur des cas, tout se passera bien et votre chien fera le rapprochement avec les séances de dressage précédentes. Il se peut aussi qu’il reste sourd à vos ordres et coups de sifflets et disparaisse au bout de la plaine derrière le lièvre. Vous reprendrez alors les leçons sur lapin dans votre parc, en insistant lourdement sur le respect, même si celui-ci est fait correctement. Si un léger blinkage se produit pour les chiens de field, cela n’est pas très grave, sur cet animal bien sûr. Remis sur le terrain, votre chien devrait commencer à respecter, ou tout au moins à se poser des questions quant à l’opportunité d’une éventuelle poursuite, ce qui vous permettra de le freiner plus facilement.

 

Jusqu’à plus soif 

Pour le jeune chien qui ne connaît pas la plaine et se grise de vitesse, il est souvent agréable de courir un ou deux capucins. C’est en partant de cette passion de la poursuite que l’on peut également réussir à le guérir ce défaut. Pour cela, vous vous rendrez avec votre jeune élève sur un territoire qui en est particulièrement riche, sans être trop coupé par des routes. Au bout de deux ou trois lacets, il ne manquera pas de lever un lièvre qu’il poursuivra avec acharnement. N’intervenez absolument pas, si ce n’est pour signaler à un aide, qui suivra votre élève en voiture pour prévenir une éventuelle traversée de routes, de rester avec le chien toujours à vue. Au bout d’une bonne dizaine de minutes, lorsque votre chien reviendra, la langue sur les talons, ne le réprimandez pas, soyez distant, comme si rien ne s’était passé, mais incitez-le à repartir dans sa quête, sans lui donner à boire. Dans les deux ou trois lacets qui suivront, il relèvera un animal, qu’il s’empressera de poursuivre, mais avec moins de violence et moins loin. Dès que votre chien reviendra, même s’il se couche, obligez-le à repartir toujours sans boire et dirigez-le vers un gîte potentiel, où un autre capucin lui giclera devant le nez. Il est bien rare que cela ne l’amène pas alors à se poser des questions et qu’il ne se retourne vers vous pour vous interroger, n’ayant plus la force de poursuivre.

En continuant dans le même sens, le prochain capucin qu’il lèvera l’obligera presque à s’arrêter. À partir de ce moment et seulement à ce moment, il conviendra de rentrer le chien à la caisse et de lui donner une ration d’eau bien méritée. Dès le lendemain, vous recommencerez dans les mêmes conditions, et vous verrez presque toujours votre élève se bloquer au départ des lièvres, car il se souviendra des poursuites de la veille. Si cette méthode est efficace sur les chiens passionnés mais intelligents, qui comprennent donc vite où se situe leur intérêt et quel gibier ils doivent rechercher, elle ne présente aucun moyen coercitif, d’où quelques rechutes éventuelles. Avec ce principe, il est impératif que le chien ne puisse pas attraper un lièvre à la course, car là le remède ne ferait qu’aggraver le mal et vous demanderait, pour arriver à vos fins, des moyens plus incisifs.

Pour les chiens les plus “enragés” du lièvre, tout est à essayer. La sagesse arrive souvent avec le temps, plus par routine que par le fait d’avoir trouvé la clef du problème. Attention avec ces chiens, même si tout semble rentré dans l’ordre, rien n’est totalement guéri et une rechute, même si elle est rare est toujours possible. Celle-ci survient souvent au moment où l’on s’y attend le moins, lors d’un concours, le plus fréquemment.

 

Les grands remèdes 

Malgré tout ce travail de préparation, des chiens restent très durs sur cet animal et ont besoin de remèdes plus radicaux. La petite cartouche, citée précédemment, est une excellente thérapie et porte ses fruits au même titre que pour la sagesse au feu, encore faut-il que le lièvre vous parte pratiquement dans les bottes. Si l’occasion ne se présente pas facilement, un lapin de garenne ou un lièvre d’élevage peut lui être substitué. De cette façon il vous sera possible de provoquer volontairement la faute, afin de mieux la corriger.

L’autre remède employé régulièrement par les dresseurs professionnels est l’utilisation du collier électrique. Il est certain que cet instrument peut être d’un excellent secours dans un pareil cas, lorsque toutes les autres tentatives sont restées vaines. Cet appareil doit être mis dans des mains expertes et utilisé de façon juste et sereine, en parfaite connaissance du caractère de l’élève qui en subira les conséquences. C’est en fonction de cela que le dresseur appréciera l’intensité et la durée des impulsions à donner, en ayant bien sûr étalonné l’appareil sur le chien.

Le dresseur devra juger également de l’opportunité à utiliser cet instrument, car, si le chien soumis aux décharges électriques en poursuivant un lièvre lève un couple de perdrix, il risque bien d’être guéri de la poursuite des capucins, mais aussi de l’envie de rechercher les perdreaux.

Certains dresseurs utilisent un moyen qui, s’il risque de coûter assez cher, est assez radical et somme toute assez juste. Face à un chien difficile à dégoûter de son attrait pour les lièvres, ils équipent un lièvre, acheté en élevage, avec un collier électrique autour du corps et le lâchent devant le chien qui ne manque pas de le poursuivre et de le rattraper. Dès que le chien s’en saisit, ils envoient une décharge très forte, si bien que le chien est puni par l’objet même de sa poursuite. Ce remède est radical, mais demande de prendre quelques précautions, puisqu’il arrive parfois que le lièvre s’échappe avec le collier.

Ce travail sur lièvre, quelle que soit la solution employée pour arriver à vos fins, doit impérativement se dérouler après que le chien est parfaitement créancé sur perdreaux. C’est en premier lieu ce gibier qu’il doit rechercher, quelle que soit la densité de lièvres sur le territoire. Il est évident qu’il faut donc avant tout montrer des perdreaux à votre chien, avant de lui donner l’occasion de rencontrer trop de lièvres.

Une saison entière d’entraînement est parfois nécessaire pour dégoûter totalement un chien du lièvre. De ce fait, la saison de fields est également gâchée, car le chien hésite ensuite à courir pour trouver les perdreaux, de peur de rencontrer des lièvres. Il faut donc de la patience et laisser le chien digérer son dressage, plutôt que de le bloquer en lui montrant trop de lièvres. Seul le contact avec les perdreaux lui permettra de repartir et de retrouver sa passion de la recherche.