L'OISEAU SANS LEQUEL LES CHIENS NOUS AURAIENT PRIVÉS DE GRANDES JOIES



Traiter de l'atavisme et du comportement des différentes races de chiens utilisées pour la recherche de la bécasse induit, pour le conducteur et maître, de connaître l'oiseau et ses habitudes. C'est pour cela, et sans bien sûr être exhaustif sur l'oiseau, que je vais débuter cet ouvrage par quelques lignes sur notre chère mordorée, avant de livrer le reste de mes élucubrations canines à votre sagacité de bécassiers convaincus. Cet oiseau est magnifique, il mérite le respect et ne constitue en aucun cas une manne inépuisable. Profitons donc encore plus pleinement de l'action menée par nos chiens lors de leurs recherches, avant de rêver à d'hypothétiques tableaux, que la volonté des hommes, sanctionnée par un PMA, a enfin ramené à une juste raison.

La bécasse des bois

Migrateur qui compte parmi les oiseaux gibier les plus prestigieux, la bécasse donne la fièvre, l'automne venu, à de nombreux amateurs et passionnés. Sans remuer les foules que draine la palombe, Scolopax rusticola a aussi sa cour de coureurs de bois, tous plus passionnés les uns que les autres, mais ouvrant le plus souvent de façon solitaire. Outre les nombreux amateurs avertis, connus le plus souvent sous l'appellation de « bécassiers », notre migrateur fascine également les néophytes, qui, au gré d'une rencontre de hasard, la glissent dans leur carnier, tout fiers d'ajouter à leur tableau annuel cet 
oiseau de légende.

L'oiseau

La longueur du corps de la bécasse est d'environ 30 à 35 centimètres, sans le bec. Son poids peut varier de 250 à 400 grammes, en fonction de sa taille, mais le plus souvent de l'antériorité de son arrivée sur les ténements et du fait de son adiposité. Son long bec caractéristique, dont elle se sert pour extraire les lombrics et les insectes du sol, mesure de 6 à 8 centimètres. On dit de la bécasse qu'elle « vérote ».
Ne présentant aucun dimorphisme sexuel, le mâle et la femelle ont un plumage identique. Placée sur un cou relativement court, la tête est pourvue de deux gros yeux placés latéralement qui lui donnent un champ de vision proche de 360°, ce qui lui permet de voir arriver les intrus, de quelque direction qu'ils viennent. Sa zone de vision binoculaire lui permet également, même lorsqu'elle se nourrit, bec planté dans le sol, d'observer.
La tête, d'un gris beige, est rayée transversalement à partir du front de bandes brun foncé. La poitrine, le dos et le croupion sont brun roux, taché de brun foncé, et même par endroits de roux vif et sépia. Les flancs sont gris ou beige clair et les ailes brun foncé, marquées plus ou moins de noir. Les grandes rémiges portent sur le bord extérieur des dentelures triangulaires beige clair. Les pattes vont du gris au jaune en passant par le rose. Quant au bec, gris-rose à sa base, il devient presque brun foncé à son extrémité.
Le trophée de la bécasse est l'épiptère, appelée par les bécassiers «plume du peintre ».

Zone de cantonnement et couloirs de migration

Les zones de cantonnement de la bécasse sont essentiellement sylvicoles, ce qui détermine ce qu'on nomme « les places à bécasse ». Celles-ci sont liées au fait que le biotope satisfait aux exigences nutritives de l'oiseau. Ce milieu doit comporter un sol frais et humide, avec un couvert boisé assez dense incluant des zones de végétation basse, mais aussi des endroits plus dégagés. La bécasse se rencontre sur tout le territoire français, avec des populations très variables en fonction des régions. Il est bon ici de parler des couloirs de migration. Préférentiellement, les jeunes oiseaux provenant des pays nordiques (Norvège, Finlande et Suède) font souvent escale sur les îles Britanniques, avant de longer le littoral atlantique, filer par le nord de l'Espagne et le Portugal, pour arriver en Afrique du Nord, au Maroc. Ceux provenant des pays de l'Est se séparent dans notre pays pour suivre des couloirs distincts. Les uns traversent la France en son centre où ils rejoignent les 
oiseaux en provenance des îles Britanniques. Les autres empruntent le couloir rhodanien et alimentent tout le midi de la France, la Corse et la Sardaigne, sans oublier la côte est de l'Espagne, pour arriver en Afrique par la Tunisie.

Nidification et reproduction

La bécasse se reproduit, pour la majorité des courants migratoires qui traversent notre pays, dans tout le nord de l'Europe, en particulier en Norvège, Finlande, Lettonie, Estonie, Lituanie, Biélorussie et Ukraine, mais aussi, au sud, en Bulgarie, Roumanie, Hongrie et Yougoslavie. Ces pays, dont la liste n'est pas exhaustive, représentent un territoire d'une superficie très importante, mais l'aire totale de nidification est encore plus vaste si l'on prend en compte la Russie jusqu'à l'Oural. Il est, dans ce cas, pratiquement impossible de procéder à des repérages et comptages directs sur les nids, vu le cantonnement de cet oiseau et son comportement très discret. Certains pays, toutefois, comme la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie, ont fait l'objet de comptages, et on estime qu'il y a de 5 à 9 couples au kilomètre carré. Les effectifs nicheurs, depuis plusieurs années, semblent stables dans ces trois pays et permettent une estimation globale qui se situe dans une fourchette de 60 à 110 000 couples. La majeure partie des autres pays qui constituent la zone de nidification de la bécasse, comme la Russie ou la péninsule scandinave, lui proposent des conditions de nutrition plus diverses, du fait des conditions climatiques souvent différentes. Elle s'y reproduit en grande quantité, mais y subit une prédation importante de l'ordre de 30 à 40 %. Dans la plus grande partie de l'Europe, les chasses de printemps de la bécasse, au chien d'arrêt et en battue, ont été interdites pour protéger les femelles. Par contre, les chasses de printemps et d'été à la croule restent une pratique courante, souvent liée à une très ancienne tradition. On a pu constater que la quasi-totalité des oiseaux prélevés dans ces conditions était des mâles.

Les mœurs de la bécasse

La bécasse, bien connue pour son activité nocturne, a également une activité diurne importante. Dès qu'elle rentre au bois le matin et lorsqu'elle se sent en sécurité, elle s'active à rechercher sa nourriture. Durant la journée, elle alterne les périodes de recherche et de repos et parcourt à pied un chemin important, toujours en terrain couvert. Pour preuve de cette activité, le travail fourni par certains chiens relevant la piste de l'oiseau au sol et ce sur plusieurs dizaines de mètres, avant même qu'elle soit pressée par leur présence. Le soir, elle regagne au crépuscule son gagnage en terrain découvert, ce qui donne aux bagueurs de bonnes possibilités de reprises. Durant la nuit, elle s'accorde également plusieurs 
périodes de repos, avant de regagner les bois à l'aube.
D'un caractère très méfiant, la bécasse reste au couvert toute la journée. Grâce à son excellente vue et son ouïe très fine, elle peut en permanence détecter l'arrivée d'un intrus. Dans ce cas, elle s'empresse de se tapir au sol sous le couvert, où le mimétisme de son plumage et la qualité de son champ visuel lui permettent de voir sans être vue. Surprise de cette façon, la bécasse se gardera toujours une porte de sortie dans les frondaisons et cherchera invariablement à masquer son départ à la vue du chasseur.
Parmi les mœurs typiques de la bécasse, on compte la polyandrie, c'est-à-dire la possibilité pour une femelle d'être fécondée par plusieurs mâles. De ce fait, les chasses de printemps et d'été à la croule sur les lieux de nidification n'ont pratiquement pas d'incidence sur la reproduction. D'ailleurs en Allemagne, où toute chasse de printemps a été interdite, aucune augmentation de population n'a été constatée.
À l'heure actuelle, on estime que la probabilité moyenne de migration automnale en provenance de tout le paléarctique occidental est de l'ordre de 20 millions de bécasses, plus ou moins 15 millions. Si la fourchette est très large, c'est qu'il est difficile de déterminer l'importance du cheptel et que l'exactitude dans ce domaine n'existe pas. En revanche, quand on confronte tous les indicateurs en notre possession, on peut apprécier la bonne santé du cheptel.