LES SETTERS ANGLAIS, IRLANDAIS ET GORDON

LEUR SITUATION EN FRANCE ET EN EUROPE

Trois races sont comprises sous le terme “Setter”. D’une part le setter anglais, numériquement le plus représenté dans notre pays, avec 5400 naissances, ce qui le place pratiquement au premier rang des chiens d’arrêt. Vient ensuite le setter gordon, avec 900 naissances, c’est-à-dire cinq fois moins que l’anglais, puis arrive le setter irlandais, avec 600 naissances, et moitié moins de production que le gordon.

Cette différence numérique étonnante n’est propre qu’à notre pays, car en Angleterre qui est la patrie mère de ces races, la tendance est inversée. Là-bas, ce sont les irlandais les plus nombreux, ils distancent presque de trois fois les anglais et les gordon. En Italie, où la chasse du gibier naturel a pratiquement disparu, le chien de sport est omniprésent et les anglais sont sept fois plus nombreux que les irlandais et vingt fois plus nombreux que les gordon. Cette représentation démographique est pour le moins surprenante, dans des pays aussi proches.

LE SETTER ANGLAIS OMNIPRÉSENT

En France, une politique d’élevage bien menée, dans le sens de la chasse au caractère sportif, a permis au setter anglais de prendre une magnifique expansion, en brillant tant sur les terrains de chasse, que sur ceux des concours. Le setter gordon qui arrive ensuite est resté plus discret sur les terrains de field-trials, du fait de la différence numérique, mais demeure parfaitement adapté à la chasse pratique de base. Le setter Irlandais supporte encore malheureusement dans notre pays, les affres d’une mauvaise réputation due à une sélection basée essentiellement sur les expositions. Actuellement les meilleurs sujets français sont tous issus de lignées de travail irlandaises et mettent en évidence les grandes qualités de cette merveilleuse race.

 

 

L’ÉVOLUTION DE CES TROIS CHIENS DANS LEUR PAYS D’ORIGINE

Issus tous les trois des îles britanniques, les setters composent

depuis toujours, la base des chiens d’arrêt dans ce pays. Leurs différences morphologiques étaient liées uniquement à la qualité des terrains sur lesquels ils étaient employés. À part l’irlandais, qui fut en premier lieu endémique à l’Irlande, l’anglais et le gordon, appelé “Noir et Feu”, avaient de nombreux points communs. Initialement certains chenils ont privilégié des particularités de robe, plus pour se démarquer que pour former des races à part entière.

C’est l’avènement des expositions qui fut à la base des standards de race, obligeant ainsi tous ces chenils à choisir leur camp et à s’inscrire dans un carcan bien précis. Bien que cette démarche eut le mérite de clarifier la situation et de définir trois races, elle mit à l’index certaines souches aux qualités naturelles remarquables. C’est ainsi que le setter noir et feu devint gordon, en perdant ses taches blanches, mais aussi certainement une bonne partie de son âme et de ses qualités initiales. Le setter irlandais ne fut pour sa part plus reconnu que comme “Red”, c’est-à-dire entièrement rouge, en laissant pour compte, tous les “Red and withe”. Heureusement cette erreur a été rattrapée depuis quelques années et les merveilleux chasseurs que sont les rouges et blancs, sont de nouveau reconnus comme race au Kennel Club. Le setter anglais, bénéficia de plus de chance de la part des fondateurs de la race, pour lui toutes les couleurs furent permises, à l’exception du rouge réservé à l’irlandais et du black and tan laissé au gordon.

LE SETTER ANGLAIS

D’origine anglaise, comme son nom l’indique, il fut importé sur le continent à la fin du siècle dernier. Des noms d’éleveurs anglais célèbres lui restent très attachés, comme MM. Laverack, Llewellin et Humphrey. Ces trois grands éleveurs, ont été les maîtres incontestés de son élevage Outre-Manche.

Passionné de chasse, le setter anglais a une quête ample et naturellement croisée, qu’il développe particulièrement au bois, à la recherche de la bécasse. Très polyvalent, il sait adapter cette quête au terrain qui lui est proposé et aux difficultés qu’il y rencontre. Son galop facile est rasant et souple, on dit qu’il est “près de terre”. A la rencontre d’émanations, tout son corps s’abaisse plus près du sol. Seule sa tête reste haute au-dessus de la végétation. La tension de son corps est extrême, tel un félin. Ses coulés et son approche de la bécasse sont caractéristiques et souvent spectaculaires. Le setter anglais possède assez souvent un rapport naturel.

 

 

LE SETTER IRLANDAIS

Ce setter essentiellement endémique à l’Irlande a fait l’objet d’une sévère sélection dans le berceau de la race, ce qui lui a maintenu ce tempérament chasseur et bouillant, que connaissent bien tous les amateurs d’irlandais de travail.

Ce fut M. John Nash et ses fameux “Moanruad”, qui fut à la base du renouveau de l’irlandais dans son pays d’origine. Initialement blanc et rouge, le setter irlandais vit sa sélection fixer les sujets unicolores rouges, mais de tout temps, les chasseurs insulaires ont utilisé les blancs et rouges pour la chasse.

Ses grandes aptitudes à chasser le gibier naturel, en ont fait le chien roi pour la bécassine, mais aussi pour la bécasse et la grouse. Il a su s’imposer sur le continent dans les épreuves de montagne, où il retrouve le relief accidenté de son pays et la qualité du gibier sauvage.

L’image du chien trop fougueux qu’il traînait depuis de trop nombreuses années est entrain de céder le pas à celle du chien spécialiste de gibier naturel. De nombreux amateurs spécialistes l’utilisent avec succès au bois en particulier sur la bécasse.

LE SETTER GORDON

Incontestablement de la même origine que les deux autres setters, cette variété fut créée à la fin du siècle dernier dans de nombreux chenils écossais, dont celui d’Alexander Duke de Gordon, du Major Douglas, et de Lord Penmure. Il fut initialement noir blanc et feu et appelé pendant de très nombreuses années “Black and Tan Setter”.

D’un tempérament plus calme, le setter gordon se distingue de ses cousins anglais par son style. Ni moins entreprenant, ni moins rapide, il se différencie par sa façon d’agir. Au taillis, le gordon est puissant, il “casse du bois”, ses remontées d’émanations sont faites avec une grande autorité, pour bloquer à coup sûr. Le gordon a un tempérament excessivement chasseur, on pourrait dire à la limite qu’il est “viandard”, ce qui lui joue parfois quelques tours sur les bécasses un peu légères. C’est un chien très endurant, capable de chasser plusieurs jours sans accuser de fatigue. D’arrêt très sûr et très ferme, il ment rarement, ce qui fait sa renommée auprès des chasseurs. Il sait se distinguer sur des terrains où la difficulté donne un goût de bien acquis au gibier prélevé.

 

 

POURQUOI CHASSER LA BÉCASSE AVEC DES SETTERS ?

Au delà des qualités premières qui font d’un chien d’arrêt, un bécassier, ce ne sont que les aptitudes propres aux races qui peuvent guider un choix, sachant qu’un chiot ne naît pas bécassier et que pour le créancer de nombreuses sorties seront nécessaires, assorties bien sûr à un nombre important de rencontres sans lesquelles rien n’est possible. Un chien bécassier plus que tout autre, se fabrique à la main de celui qui l’utilise. Ici tout est affaire de contact et de confiance mutuelle. Je parle bien sûr des chasseurs qui laissent leurs chiens étendre leur quête aussi loin qu’il est possible de l’entendre. Le chien bécassier doit au même titre que son conducteur détecter les endroits susceptibles de recéler des bécasses, en d’autres termes on appelle cela “avoir le sens de la place”.

C’est certainement ce sens de la place et cette passion innée pour la chasse au bois en milieu relativement couvert et fermé, qui fera préférer le ou les setters aux chasseurs désireux d’en découdre avec la dame des bois. Point n’est de supériorité de race, ni de couleur parmi ceux-ci, n’en déplaise aux esprits chagrins, ou aux éminemment supérieurs. Laissons à ceux-ci leurs idées préconçues et gavons nous, lorsque le loisir nous en est donné de la course élégante et féline de l’anglais, de la sûreté des arrêts du gordon ou de l’autorité et de l’entreprise de l’irlandais.

Je pense que tous les setters ont une propension naturelle pour travailler efficacement au bois. Que la végétation soit claire ou dense, que son contact soit aisé ou plutôt hostile, le setter saura s’immiscer et se faufiler au plus profond des taillis. Quand le loisir lui en sera donné, il saura également montrer l’amplitude de sa quête et la rigueur méthodique de ses recherches.

Les setters, avec un grand “S”, car mon propos englobe les trois races sans distinction de couleur, sont des “Roublards”.Ils font corps avec le bois et le contact qu’ils peuvent avoir avec leur conducteur est sûrement leur meilleur atout. S’ils mènent leurs recherches, c’est uniquement dans le but de bloquer et de prendre en équipe avec leur maître, l’oiseau qu’ils auront localisé.

PLAIDOYER POUR LE PISTAGE

Attitude souvent commune aux trois setters, auxquels il convient de donner le qualificatif de “bécassiers”, la manière d’appréhender une place à bécasse. Même si durant leur quête préalable, leur port de tête a été irréprochable, il n’est rare de les voir la première rencontre d’émanation, mettre le nez au sol et essayer d’en découdre avec l’écheveau entrelacé, du dédale de pistes qu’a pu faire l’oiseau durant la journée. Cette action bien qu’inesthétique pour beaucoup, est souvent source de joie pour le chasseur de bécasse, car cette attitude trahit de façon presque certaine la présence d’un oiseau. Il n’est pas rare qu’à ce moment le setter lance une oeillade en arrière à son maître pour bien lui signifier sa découverte, comme si le son haché et ralenti de sa cloche n’avait pas suffi à dénoncer la situation.

Maintenant et seulement maintenant va se dérouler la partie de bras de fer entre l’oiseau et le chien. Qu’elle soit selon les dires “soupière ou sorcière”, il lui faudra être bien maligne pour déjouer le travail du setter qui n’en est pas à sa première rencontre et qui après ce pistage savant et noble, bloquera l’oiseau la tête haute, le chanfrein tiré au plus haut vers le cône d’émanation.

Je ne dis pas que ce moment de communion intense qui précède l’arrêt ou l’envol de l’oiseau, la possibilité de tir ou non, soit plus fort avec un setter qu’avec un autre chien, mais il est bien particulier et celui qui ne le connaît pas ne peut d’une part pas en parler, mais aussi, est passé à côté d’un grand moment cynophilique et cynégétique, n’en déplaise aux puristes les plus virulents.

TROIS SETTERS, TROIS COMPORTEMENTS DIFFÉRENTS

A qualités égales de prestations et de travail sur cet oiseau, le comportement des trois setters diffère quelque peu. Mon propos n’est pas de démontrer qu’une race est supérieure à une autre dans ce domaine, car il existe de bons chiens dans chacune. Ce ne sont pas les participants aux concours de travail ni les chasseurs de bécasses qui me contrediront.

Le setter anglais, séduit en premier par le plaisir qu’il procure en évoluant de façon facile, en se jouant des obstacles et du relief du terrain. Ce chien très intelligent est facile à manier, il est relativement précoce et d’une grande efficacité. Mais je pense que ce qui peut faire préférer un setter anglais, c’est à coup sûr la certitude de vivre avec lui des moments de très grande émotion cynégétique, car ce grand sportif est aussi un artiste, peut-être quelquefois un peu sensible de nez, mais à la bécasse ce léger défaut est souvent considéré comme une qualité.
Le setter irlandais, comme j’ai eu le loisir de le voir évoluer à la bécasse est un seigneur. Il domine sûrement en amplitude et en profondeur de quête ses deux cousins, c’est le “feu follet” du bois. Son expression très tendue et son excellent port de tête, lui confèrent une allure légère, souple et autoritaire. Sa science du bois et des oiseaux en font un maître sur gibier naturel et sur la bécasse en particulier. C’est un grand spécialiste aux immenses qualités, qui n’ont d’égal que la magnificence de sa robe.
Le setter gordon n’a rien à envier à ses deux cousins. Chasseur dans l’âme, le gordon est un passionné et s’il pêche le plus souvent c’est par excès. La sûreté de ses arrêts reste son atout majeur, avec sa grande résistance. Ce chien très endurant est plus direct dans ses recherches que ses cousins, il lui arrive parfois de “casser du bois”, mais n’est ce pas là ce qui fait un peu son charme. Chien de bois par excellence, il voue une passion sans mesure pour la bécasse, qu’il sait verrouiller avec une grande efficacité.